Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/357

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

entendait retentir les pas les plus légers dans la maison, bien que son appartement fût situé dans le bâtiment en aile le plus reculé. Tous deux avancèrent alors tout doucement sur les marches recouvertes d’une thibaude, ils traversèrent avec les mêmes précautions un long corridor, et entrèrent enfin dans la chambre de Ludwig. Après de familiers épanchements, inspirés par le plaisir de se revoir, Ludwig tira brusquement la sonnette ; mais il s’écria aussitôt : « Ah mon Dieu ! — mon Dieu ! qu’ai-je fait ? — Malheureux ! » Et il se cacha la figure dans les mains comme un homme désespéré. L’effet suivit de près la cause, et l’on vit tout à coup s’élancer dans la chambre une petite chipie de femme de chambre qui s’écria d’un ton commun et glapissant en s’adressant à Ludwig : « Monsieur le baron, que faites-vous donc ? Voulez-vous donc tuer la pauvre madame la baronne, qui déjà est en convulsions ?

— Ah, mon Dieu, dit Ludwig d’un ton lamentable, ma bonne Annette, dans l’excès de ma joie je n’y ai pas songé ! Regarde : voilà monsieur le baron, mon meilleur, mon plus cher ami, qui vient d’arriver, que je n’avais pas vu depuis plusieurs années, — un ancien et intime ami de ta maîtresse ! — prie-la, supplie-la de permettre qu’il lui soit présenté. Fais cela, bonne Nette ! » Ludwig lui glissa de l’argent dans la main, et elle quitta la chambre en marmottant d’un air de dédain : « Je verrai ce qu’il y aura à faire. »

Euchar, qui pressentait une scène comme il n’en arrive que trop fréquemment dans la vie privée, et