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Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/361

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la dissimulation lui devint trop à charge, et ses procédés i mon égard de plus en plus affectueux, jusqu’à ce qu’un soir elle me confia son châle dans un bal. Mon triomphe fut alors décidé. J’arrangeai pour la seconde fois cette fatale contredanse à seize, je la dansai à ravir avec elle, avec elle la bien-aimée ! et je lui glissai à l’oreille, en balançant sur la pointe du pied droit, et en entourant de mon bras sa taille délicieuse : “Ravissante, divine comtesse ! je vous aime d’un amour inexprimable, je vous adore : soyez à moi, ange de lumière !” — Victorine me rit au nez, mais cela ne m’empêcha pas de me présenter le lendemain chez elle à une heure convenable, c’est à dire à une heure après midi, de me procurer accès auprès d’elle par l’entremise de mon ami Cochenille, cl de la supplier de m’accorder sa main.

» Elle me regarda en face silencieusement, je me jetai à ses pieds, je saisis cette main qui devait devenir mienne, et je la couvris de baisers brûlants. Elle me laissa faire, mais, je dois en convenir, son regard fixe et sérieux, qui me semblait pour ainsi dire dénué de puissance visuelle et appartenir à une image inanimée, me fit éprouver une étrange sensation. À la fin pourtant, deux grosses larmes coulèrent de ses yeux, elle me serra la main, et avec tant de force que je fus sur le point de crier, ayant précisément alors un doigt malade, puis elle se leva et quitta la chambre son mouchoir sur les yeux.

» Mon bonheur ne pouvait me paraître équivoque, je me rendis auprès du comte, et je lui demandai la main de sa fille. “Bien ! très bien ! délicieux ! mon