Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/365

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fut pas médiocrement surpris de trouver la baronne entièrement habillée et presque parée.

« Je t’amène ici notre cher Euchar, nous le tenons de nouveau ! » s’écria Ludwig. Mais Euchar s’étant approché de la baronne, et ayant saisi sa main, un tremblement convulsif s’empara d’elle, et avec une exclamation étouffée, elle tomba évanouie dans son fauteuil.

Euchar, incapable de maîtriser sa pénible émotion, s’empressa de s’éloigner. « Pauvre Ludwig ! se dit-il en lui-même, non, ce n’était pas de toi qu’il s’agissait ! » Il vit alors clairement la condition déplorable dans laquelle les étranges illusions de la plus aveugle fatuité avaient précipité son ami Ludwig ; il comprit enfin à qui s’adressait l’amour brûlant de Victorine, et son cœur en fut singulièrement troublé.

Ce fut alors seulement que s’éclaircirent à ses yeux maintes circonstances du passé auxquelles, dans sa naïve modestie, il n’avait pas jusque-là pris garde ; alors seulement il lut au fond du cœur passionné de Victorine, et il concevait à peine comment il n’avait pas deviné plus tôt la vérité. Ces mille occasions où l’amour de Victorine se manifestait presque sans aucune réserve lui revinrent clairement en mémoire, et il dut s’avouer qu’alors même une antipathie singulière et inexplicable contre cette belle et gracieuse jeune fille lui inspirait toujours une humeur chagrine et maussade. Maintenant, cette humeur se tournait amèrement contre lui-même, pénétré qu’il était d’une profonde compassion pour la pauvre enfant,