Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/366

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victime des suggestions décevantes d’un mauvais génie.

Le soir de ce jour-là, les mêmes personnes devant qui Euchar avait raconté, deux années auparavant, les aventures d’Edgar en Espagne, se trouvaient de nouveau réunies chez la présidente Veehs. Euchar y fut accueilli avec la joie et les acclamations les plus vives, mais il ressentit comme une secousse électrique à l’aspect de Victorine, qu’il ne s’attendait nullement à trouver là. Aucune trace de maladie ne se remarquait en elle, ses yeux étincelaient du même feu qu’à l’ordinaire, et une toilette pleine de goût et de recherche rehaussait ses grâces et sa beauté. Euchar, peiné de sa présence, paraissait, contrairement à son habitude, confus, embarrassé. Victorine sut adroitement se rapprocher de lui ; elle saisit tout à coup sa main, le tira à part, et lui dit d’un ton calme et sérieux :

« Vous connaissez le système de mon mari sur l’enchaînement des choses. Moi je pense que le véritable enchaînement de notre vie consiste dans nos fautes et nos erreurs, où nous retombons toujours après nous en être en vain repentis ; de sorte que l’existence humaine ressemble à une fantasmagorie qui nous enveloppe de ses folles illusions, et ne cesse de nous abuser qu’à l’heure de la mort, dernier résultat de ce jeu ironique et cruel ! — Euchar ! je sais tout, je sais qui je verrai encore ce soir, je sais que c’est depuis aujourd’hui seulement que vous avez lu dans mon cœur. — Ce n’est pas vous, non, ce fut un mauvais génie qui m’a plongée