Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/369

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il n’y a plus aucun doute.” Alors Edgar se rappela les traits de ce visage, et reconnut le petit homme : c’était ce fidèle serviteur de don Rafael qu’il avait trouvé défendant la fille de son maître avec le courage du désespoir. “Au nom de tous les saints ! s’écria-t-il, vous êtes le serviteur de don Rafael Marchez ! je vous reconnais ; où est-il ? — Ah ! mes étranges pressentiments vont-ils se confirmer ?” Le petit homme, pour toute réponse, le supplia de le suivre sans délai.

» Il conduisit Edgar dans un faubourg éloigné, et monta avec lui jusqu’au grenier d’une misérable maison. Quel spectacle ! Souffrant et épuisé, portant sur ses traits flétris les traces d’un chagrin dévorant, don Rafael Marchez gisait étendu sur une paillasse, devant laquelle était agenouillée une jeune fille, une enfant du ciel ! Lorsque Edgar entra, la jeune fille s’élança vers lui et l’entraina auprès du vieillard en s’écriant avec l’accent de la joie la plus vive : “Mon père ! — mon père, c’est lui, n’est-ce pas, c’est lui…”

» “Oui, dit le vieillard dont les yeux caves lancèrent un éclair passager, et qui leva avec peine vers le ciel ses mains jointes ; c’est lui, notre libérateur ! — Ô don Edgar, qui l’aurait pensé, que la flamme ardente que je nourrissais dans mon sein pour la liberté de ma patrie dût provoquer et éclairer ma propre ruine !” —

» Après les premiers transports d’une joie extrême mêlés à ceux de la plus profonde douleur, Edgar apprit que les ennemis de don Rafael, par leurs per-