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Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/383

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qui, en me préservant de dangers mortels, me fait souffrir mille morts. Semblable au juif-errant, je vois sur le front du rebelle Caïn, du méchant hypocrite, le signe de la réprobation éternelle ! Je sais lire les secrets présages que le mystérieux esprit de l’univers, le hasard selon nous, sème en se jouant sur notre route comme autant de problémes à résoudre. Une céleste et charmante vierge nous surveille constamment de ses clairs yeux d’Isis, mais c’est pour saisir violemment de ses griffes de sphinx et précipiter dans l’abîme l’infortuné qui ne devine pas ses énigmes !

» Toujours ces funestes rêveries ! dit la vieille dame. — Qu’est devenu cet aimable et charmant enfant, le fils de votre frère cadet, que vous avez recueilli, il y a quelques années, avec tant de bienveillance, et qui semblait ressentir pour vous tant d’amour et de reconnaissance ?

» Je l’ai chassé ! répliqua le vieux monsieur d’une voix rude, c’était un scélérat, un serpent que je réchauffais dans mon sein pour ma propre ruine.

» Un scélérat ! un enfant de six ans ? demanda la dame toute consternée.

» Vous connaissez l’histoire de mon frère puîné, poursuivit le vieux monsieur ; vous savez qu’il abusa plusieurs fois de ma confiance d’une manière infâme, et qu’étouffant dans son cœur tout sentiment fraternel, il se faisait une arme contre moi de chaque bienfait que je lui rendais. Ce n’est pas faute de ses constants efforts si je n’ai pas à déplorer la perte de mon honneur, de mon existence civile ! Vous savez