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Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/417

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gnard que vous enfoncez dans son cœur a traversé ma poitrine ! »

Alors le conseiller la reposa lentement par terre, et la fit asseoir avec précaution dans un fauteuil. Puis il resta là, les deux mains croisées sur son front. Le silence de la tombe régnait autour de lui. Pas un mot, pas un mouvement de la part des témoins de cette scène. — Enfin le conseiller tomba sur ses deux genoux, une vive rougeur vint enflammer ses traits, et ses yeux se remplirent de larmes. Il leva la tête, étendit les deux bras vers le ciel, et dit d’une voix basse et solennelle : « Puissance impénétrable et éternelle ! c’était ta suprême volonté. — Ma vie agitée n’a été que le germe enfoui dans le sein de la terre, et d’où surgit l’arbre vigoureux qui porte des fleurs et des fruits magnifiques. — Ô Julie, Julie ! — ô pauvre fou aveuglé que je suis !… »

Le conseiller aulique se voila le visage, on l’entendit sangloter. Cela dura quelques minutes, puis Reutlinger se leva tout-à-coup avec impétuosité, il s’élança vers Max, qui restait là interdit, et le pressant sur sa poitrine, il s’écria comme hors de lui-même : « Tu aimes Julie : tu es mon fils ! — non, mieux que cela, tu es moi, — moi-même. — Tout t’appartient, tu es riche, très-riche, tu as une campagne, des maisons, de l’argent comptant. — Laisse-moi rester auprès de toi, tu me donneras le pain de la charité dans mes vieux jours, — n’est-ce pas, tu le veux bien ? — car tu m’aimes, toi ! n’est-ce pas ? Il faut bien que tu m’aimes, n’es-tu pas moi-même ! — ne crains plus mon cœur de pierre, presse-moi bien