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Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/613

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les carrés uniformes du filet portaient sur la concavité du mur des ombres curvilignes, était le seul à employer pour mettre exactement l’autel en perspective et le faire paraître en saillie à la vue.

Je me gardai bien de passer devant le cierge, qui aurait trahi par mon ombre ma présence ; mais je m’approchai d’assez près pour observer parfaitement le peintre. Il me parut tout autre que dans la matinée, peut-être était-ce simplement à cause du reflet de la lumière ; mais son visage était coloré, ses yeux me semblaient animés d’une vive satisfaction, et, lorsqu’il eut achevé de rapporter ses lignes ombrées, il s’arrêta un moment devant la niche les deux mains appuyées sur ses hanches, et siffla, en contemplant son ouvrage, un petit air gai. Puis il se retourna et décrocha le filet, qu’il laissa tomber. Alors il m’aperçut : « Allons donc ! allons donc ! s’écria-t-il à haute voix, c’est vous, Chrétien ? » — Je m’approchai, j’expliquai comment j’étais entré dans l’église ; et, tout en lui faisant mon compliment sur l’usage ingénieux qu’il venait de faire du filet, je me fis connaître pour un artiste, ou du moins pour un amateur du noble art de la peinture. Sans me répondre un mot à ce sujet, Berthold reprit : « Chrétien n’est qu’un grand paresseux : il devait me tenir fidèlement compagnie toute la nuit, et je gage qu’il est allé bravement s’endormir dans quelque coin ! — Il faut pourtant que j’avance ma besogne ; car demain au grand jour il ne fera guère bon à peindre dans cette niche. — Mais je ne puis plus rien faire à présent tout seul. »