Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/632

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dans les paysages de Hackert. Aussi, les éloges ne lui manquèrent pas ; mais souvent Berthold éprouvait, à la vue de ses tableaux et de ceux même de son maître, une sensation toute particulière. Il lui semblait vaguement qu’il y manquait quelque chose qu’il ne pouvait définir, mais dont la réalisation l’émouvait malgré lui dans les œuvres de Claude Lorrain et même dans les déserts sauvages de Salvator Rosa. Mille doutes s’élevaient en lui sur le génie de Hackert, et il se sentit surtout prévenu contre lui, après l’avoir vu copier un jour avec l’attention la plus servile, des bêtes fauves empaillées que le roi lui avait envoyées. Cependant, il parvint à surmonter ces idées pénibles et qu’il regardait comme criminelles, et il continua, avec une résignation et une assiduité allemande, à travailler d’après les modèles de son patron, si bien qu’il fut bientôt en état de partager ses succès.

Il arriva ainsi qu’à l’instigation formelle de Hackert, il fut obligé de laisser exposer en public, en même temps qu’un grand nombre de compositions dues au pinceau calme et facile de cet artiste, un grand paysage qu’il avait peint fidèlement d’après nature. Tous les peintres et les connaisseurs admirèrent sincèrement l’exécution franche et soignée de cet ouvrage, et comblèrent de louanges son auteur. Seul entre tous, un homme d’un certain âge, vêtu d’une façon originale, gardait un silence absolu, même à l’égard des tableaux de Hackert, et se contentait de sourire d’une manière significative au milieu du brouhaha confus et élogieux de la foule.