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Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/633

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Berthold remarqua positivement que l’étranger, arrivé devant son paysage, secoua la tête avec un air de profond chagrin, et puis s’éloigna lentement. Quelque peu fier des unanimes suffrages que sa toile avait obtenus, il ne put se défendre d’un secret dépit contre l’inconnu, et, l’abordant, il lui dit d’un ton peut-être un peu tranchant : « Vous paraissez, monsieur, être peu satisfait de ce tableau, auquel beaucoup d’habiles artistes et des connaisseurs éprouvés s’accordent à reconnaître pourtant quelque mérite ? Daignez, je vous prie, m’apprendre ce que vous y blâmez, afin que je puisse en corriger les défauts et profiter de vos utiles conseils ? »

L’étranger jeta sur Berthold un regard perçant, il dit ensuite d’un ton solennel : « Jeune homme ! vous auriez pu devenir un jour un grand peintre ! » Ces paroles et le regard singulier de l’étranger glacèrent Berthold de frayeur. Il n’eut pas le courage de dire un mot de plus ni de suivre l’inconnu hors de la salle. Hackert lui-même y entra bientôt, et Berthold s’empressa de lui raconter ce qui venait de se passer en lui dépeignant ce singulier personnage. « Ah ! s’écria Hackert en riant, ne te tourmente pas de cette rencontre : c’était notre vieux grondeur qui ne trouve jamais rien a son goût et ne sait que blâmer. Je l’ai rencontré sous le vestibule. Il est grec d’origine et né à Malte, c’est un homme riche et fantasque, et il possède un talent de peintre au-dessus de la médiocrité ; mais tout ce qu’il produit porte un caractère bizarre et exceptionnel, ce qu’il faut attribuer à ses opinions exagérées et paradoxales sur