Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/635

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bre-portée convenable ; la porte à moitié ouverte produit un effet prodigieux !...

» Vous raillez à tort, monsieur ! répondit Berthold. De tels détails ne sont nullement à dédaigner autant que vous le pensez, et voilà pourquoi mon maître se plait à les reproduire dans ses tableaux. Rappelez-vous seulement le drap blanc étendu dans le paysage de cet ancien peintre flamand, et sans lequel tout l’effet du tableau serait perdu. Mais je reconnais décidément que vous êtes l’ennemi déclaré de la peinture de paysage à laquelle je me suis voué de corps et d’âme, et je vous prie donc de me laisser achever tranquillement mon ouvrage.

» Ton erreur est grande, jeune homme ! répliqua le Maltais, je le dis encore une fois que tu aurais pu devenir un grand artiste, car tes ouvrages démontrent visiblement la tendance infatigable de ton esprit vers l’idéal. Mais c’est un but que tu n’atteindras jamais ; car la route que tu suis t’en éloigne diamétralement. Fais bien attention à ce que je vais te dire. Peut-être parviendrai-je à dégager la flamme qui dort au fond de ton âme, et que, dans ton ignorance, tu t’acharnes à étouffer. Alors à sa clarté vive et pure tu liras clairement dans ton propre génie ! — Me crois-tu assez fou pour subordonner un genre à un autre et méconnaître le but commun auquel doivent aspirer avec le même zèle le peintre d’histoire et le paysagiste ? — Saisir la nature dans la manifestation la plus éclatante du sens profond qui révèle à tous les êtres animés le pressentiment de l’infini : voilà le but sacré de l’art. L’imitation ser-