Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/647

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Sa famille devait la croire morte, et rien ne pouvait plus désormais la séparer de son cher Berthold. Un collier en diamants et des bagues précieuses qu’elle avait emportés avec elle, leur fournirent les moyens de se pourvoir à Rome, où ils s’étaient rendus à petites journées, des choses les plus nécessaires, et ils purent ainsi gagner facilement le midi de l’Allemagne, où Berthold avait l’intention de vivre de son talent.

N’était-ce pas pour l’artiste un bonhenr inoui, merveilleux, que de se voir l’époux d’Angiola, de cette beauté incomparable, l’idéal de ses rêves, la source de ses plus pures jouissances, quand tout paraissait devoir élever une barrière à jamais infranchissable entre lui et la bien-aimée. Berthold ne pouvait en effet revenir d’un tel prodige, et durant quelque temps, le délire du bonheur l’absorba tout entier, jusqu’à ce qu’une voix secrète, mais de plus en plus impérieuse, l’eut rappelé aux préoccupations de son art. Il résolut enfin d’établir sa réputation à M.... par un grand tableau qu’il destinait à l’église de Sainte-Marie.

Berthold conçut un plan bien simple. La Vierge et sainte Elisabeth assises dans un riche jardin sur un banc de verdure, et les enfants Jésus et saint Jean occupés à jouer devant elles : c’était là tout le tableau. Mais le peintre fit de vains efforts pour combiner sa composition d’une manière nette et convenable. Comme à l’époque de sa crise déplorable, il lui devint impossible de fixer ses idées, et son imagination ne lui offrait sans cesse pour modèle, au lieu de la vierge divine, qu’une créature terrestre,