Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/716

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son ichneumon4, la poursuivait sans relâche, et se plaisait à fouiller dans le plus intime de son être, au moment où elle s’y attendait le moins. Il avait le talent de l’entortiller et de l’enlacer, dans ses propres phrases à bévues et dans ses sentences philosophico-esthétiques sur l’art, d’une façon toute particulière et si adroite, qu’elle s’enfonçait profondément dans le labyrinthe prosaïque et hérissé d’ivraie du non-sens, en faisant de vains efforts pour en trouver l’issue. Il poussait la malignité si loin, qu’il débitait devant elle, comme autant de théorèmes de philosophie transcendante, des phrases absolument dénuées de sens, ou aboutissant à de niaises trivialités, qu’elle retenait, grâce à sa prodigieuse mémoire des mots, et lançait ensuite à tout propos avec une affectation emphatique. Plus ces propositions étaient baroques et inintelligibles, plus elles lui plaisaient, car alors l’admiration des cerveaux étroits, ou plutôt leur fanatisme pour cet esprit supérieur, pour cette sublimité féminine, s’exaltait d’autant plus. — Mais venons au fait ! — Le professeur m’avait pris en très-grande amitié : il saisissait toutes les occasions de me caresser et de me donner de bons morceaux. Je répondais à cette bienveillance par une affection des plus cordiales, et je le suivis d’autant plus volontiers un soir qu’il m’attira dans une chambre écartée, tandis que la société passait dans une grande salle tendue de noir, où Madame allait exécuter ses scènes de mimique.

Il m’avait réservé comme de coutume un bon morceau de gâteau. Pendant que je le mangeais, il