Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/805

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jesté sévère des vieilles têtes allemandes, messire Elias le prit tout bonnement pour un juif polonais, et s’écria en souriant : « Sot animal ! vendre aujourd’hui ce papier dont on lui aurait donné dix pour cent de plus avant huit jours. » Il ne savait rien, à la vérité, de l’appoint conditionnel que Traugott s’était engagé à payer de sa poche, ce qu’il ne manqua pas de faire quelques jours plus tard, ayant rencontré de nouveau les deux étrangers dans la Cour d’Artus.

« Mon fils, lui dit alors le vieillard, m’a rappelé que vous étiez aussi artiste, j’accepte donc volontiers ce que j’aurais refusé d’une autre personne. » Ils se trouvaient alors précisément auprès d’une des quatre colonnes de granit qui supportent la voûte de la salle, et à quelques pas du groupe peint que Traugott avait esquissé sur la lettre d’avis. Il ne se fit aucun scrupule de parler de l’extrême ressemblance que présentaient les deux personnages du tableau avec ses interlocuteurs. Le vieillard sourit d’une façon étrange ; il posa sa main sur l’épaule de Traugott, et lui dit à voix basse et d’un air réfléchi : « Vous ne savez donc pas que je suis le peintre allemand Godefroy Berklinger, et que c’est moi qui, il y a bien long-temps, et quand je n’étais encore qu’un apprenti, ai exécuté ces peintures qui paraissent tant vous plaire ? Dans ce bourguemestre, j’ai fait le portrait de ma propre personne, et mon fils a servi de modèle au jeune page, comme vous pouvez le voir aisément, en comparant leurs traits et leur taille. »