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Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/807

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Venez chez moi demain matin de bonne heure. » Et il lui indiqua sa demeure.

Le lendemain donc, Traugott s’empressa de se débarrasser de ses affaires, et il courut à la maison que le singulier vieillard occupait dans une rue écartée. Le jeune homme, vêtu tout-à-fait à l’ancienne mode allemande, lui ouvrit la porte et le conduisit dans une vaste chambre, au centre de laquelle était assis le vieillard sur un petit escabeau, devant une grande toile couverte d’une seule teinte grise uniforme. « Vous arrivez à propos, Monsieur, s’écria le vieillard, car je viens précisément de mettre la dernière main à ce grand tableau, qui m’occupe depuis plus d’un an et m’a coûté bien du travail. C’est le pendant d’une autre toile d’égale dimension, représentant le paradis perdu, que j’ai achevée l’année dernière, et que vous apercevez là-bas. Celui-ci, comme vous voyez, est le paradis retrouvé ; mais je verrais avec peine que cela vous donnât lieu d’en vouloir chercher trop subtilement le sens allégorique. Il n’y a que les pauvres esprits ou les mazettes capables d’inventer des allégories en peinture. Mon tableau ne doit pas signifier, il doit être ! Ne trouvez-vous pas que ces riches groupes d’hommes, d’animaux, de pierres, de fleurs, de fruits forment ensemble une harmonie merveilleuse, dont les sublimes accords font rêver à une glorieuse et éternelle béatitude. » Alors le vieillard se mit à indiquer mainte et mainte place de la toile ; il fit remarquer à Traugott la parfaite distribution des ombres et de la lumière