Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/98

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

une autre chaussée, mais en dépit des secousses et des cahots qui me ballottaient en tout sens dans la voiture, de telle sorte que ma tête, pleine de bosses, ne ressemblait pas mal à un sac rempli de noix, je ne me réveillai cependant du très-profond sommeil où j’étais plongé, qu’en me sentant précipité, par une commotion épouvantable, de la voiture sur le dur pavé. Le soleil m’éblouissait les yeux de son plus vif éclat, et par-dessus la barrière qui se trouvait tout près de moi, j’aperçus les tours élevées d’une ville considérable.

» Le voiturier se lamentait beaucoup ; car non-seulement le timon, mais une roue de derrière aussi étaient brisés par suite du choc de la voiture contre une grosse pierre qui se trouvait sur le milieu de la chaussée ; et mon homme paraissait ne s’inquiéter que fort peu ou même point du tout de ma personne. Je réprimai mon indignation, ainsi que doit le faire un sage, et je me contentai de crier avec une extrême modération à ce drôle qu’il était un indigne maraud, qu’il songeât que Ptolomée Philadelphe, le plus illustre savant de l’époque, était là sur son postérieur, et qu’il eût à laisser son timon et sa roue cassés. Tu sais, mon cher Rufin, quel empire j’exerce sur le cœur humain : aussi, à l’instant même, le cocher fit trêve à ses lamentations et vint m’aider à me remettre sur mes jambes, conjointement avec le percepteur de la chaussée, devant la maison duquel était arrivée ma mésaventure.

» Je n’avais, par bonheur, souffert aucun dom-