Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/147

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dérision contre Desgrais et ses acolytes. — Ce sera toi qui porteras ces bijoux à la demoiselle.”

» Cardillac n’eut pas plutôt prononcé votre nom, mademoiselle, qu’il me sembla que des voiles épais s’écartaient devant mes yeux, et les purs et touchants souvenirs de mon heureuse enfance m’apparurent sous une image pleine de charme et d’éclat. Je sentis mon âme pénétrée d’une délicieuse émotion, et d’une espérance consolatrice qui dissipa tous mes sombres pressentiments. Cardillac s’aperçut probablement de l’impression produite sur moi par ses paroles, et l’interpréta à sa manière. “Mon projet semble te plaire,” me dit-il ; puis il ajouta : “Je dois avouer qu’une voix étrange et intime, bien différente de celle qui réclame de moi, comme une bête de proie affamée, des sacrifices sanguinaires, m’a suggéré cette idée. — Oui, parfois, un sentiment indéfinissable s’empare de mon âme ; — une secrète appréhension, la crainte de quelque événement sinistre, présage menaçant d’une destinée lointaine et redoutable, me cause un trouble funeste. J’imagine alors en tremblant que peut-être le mal dont ma mauvaise étoile m’a obligé d’être l’instrument, mon âme immortelle, qui n’y a aucune part, en sera pourtant rendue responsable ! Sous cette impression, j’avais résolu de faire une riche couronne de diamants pour la sainte Vierge de l’église Saint-Eustache. Mais ces accès de terreur inconcevable m’obsédaient avec une nouvelle violence chaque fois que j’essayais de m’occuper de cet ouvrage, et je fus contraint d’y renoncer tout à fait. À présent il me semble qu’en