Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/166

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voisine, avait jeté dans la chambre un regard inquiet. Le Roi quitta sa place, et sortit pour rejoindre son ministre. Mademoiselle de Scudéry ainsi que madame de Maintenon regardèrent cette interruption comme fatale ; car le Roi pouvait bien se mettre en garde désormais contre la séduction qui avait si bien réussi une première fois. Cependant il reparut au bout de quelques minutes, fit avec vivacité deux ou trois tours dans la chambre, les mains derrière le dos ; puis il s’approcha de mademoiselle de Scudéry, et, sans la regarder, dit à demi voix : « Je voudrais bien voir votre Madelon ! — Ô mon gracieux souverain ! reprit aussitôt mademoiselle de Scudéry, de quel insigne bonheur vous honorez la pauvre et malheureuse enfant. — Ah ! Sire, il suffit d’un signe de votre part pour voir ici même la jeune fille à vos pieds. » Alors elle se dirigea, en piétinant aussi vite que le lui permettait sa lourde parure, vers la porte, et cria au-dehors que le Roi voulait voir Madelon Cardillac ; puis elle rentra en pleurant et en sanglottant de joie et de ravissement.

Mademoiselle de Scudéry dans la prévision d’une telle faveur, avait amené avec elle Madelon, qui attendait chez une femme de chambre de la marquise, tenant à la main une brève supplique exprès rédigée par d’Andilly. Quelques moments après elle était agenouillée aux pieds du Roi sans pouvoir proférer un mot. Le trouble, le saisissement, un respect mêlé de crainte, son amour et sa douleur faisaient circuler, d’un mouvement de plus en plus rapide, le sang bouillonnant