Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/198

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parole. Le lendemain, la baronne sortit de grand matin et ne rentra que fort tard dans la soirée, de sorte qu’Aurélia, emprisonnée dans sa chambre sans que personne pût la voir ou l’entendre, fut obligée de passer toute la journée privée de nourriture.

Durant plusieurs jours ce fut à peu près le même manège de la part de la baronne. Souvent elle regardait sa fille d’un œil étincelant de colère, puis elle paraissait en proie à une lutte intérieure et dans l’indécision de ce qu’elle devait faire. Enfin, un soir, elle reçut une lettre qui parut lui causer une certaine joie. Après l’avoir lue, elle dit à Aurélia : « Impertinente créature ! c’est toi qui es cause de tout cela : mais enfin à présent le mal est réparé, et je souhaite même que tu échappes à la malédiction terrible prononcée, pour la punition, par le génie du mal. » Aurélia, séparée de l’homme affreux qu’elle redoutait, ne songeait plus à s’enfuir, et sa mère lui rendit quelque liberté.

Quelque temps s’était écoulé, lorsqu’un jour, Aurélia, se trouvant seule et assise dans sa chambre, entendit un grand tumulte s’élever dans la rue. La femme de chambre accourut et lui apprit qu’on allait voir passer le fils du bourreau de ***, qui avait été marqué pour crime de vol et d’assassinat, et qui s’était sauvé de la maison de correction où il était détenu. Aurélia se leva en chancelant, frappée d’un étrange pressentiment, et s’approcha de la fenêtre :elle ne s’était pas trompée, elle reconnut l’étranger qu’on ramenait à la prison étroitement garrotté dans