Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/246

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et les hautbois larmoyants de pauvres musiciens ambulants.

Toutefois la baronne avait un désir ardent d’entendre de la musique, et elle et Adelheid se creusaient l’esprit pour aviser aux moyens de se procurer un piano passable. Dans cet instant, le vieux Franz traversa le salon. « Bon, s’écria mademoiselle Adelheid, voici l’homme prodigieux qui a de bons conseils pour toutes les circonstances, l’homme qui sait tout avoir, même l’inouï et l’impossible ! »

Alors elle le fit approcher, et lui fit comprendre de quoi il s’agissait. La baronne écoutait les mains jointes, la tète penchée en avant avec un doux sourire et cherchant à lire dans les yeux du vieux domestique. Elle était ravissante à voir ainsi, telle qu’un enfant naïf et gracieux, jaloux d’avoir immédiatement entre ses mains le joujou qu’il désire ardemment.

Franz, après avoir énuméré avec ses formes prolixes mainte et mainte raison tendant à démontrer l’impossibilité absolue de se procurer ainsi à l’improviste un objet de cette nature, finit par dire en se caressant la barbe d’un air de satisfaction : « Mais madame l’épouse de monsieur l’intendant, qui demeure là-bas au village, touche miraculeusement bien du clavecin ou du manichordion, comme ils disent maintenant avec leur nom étranger, et elle chante avec cela si gentiment et si pathétiquement qu’elle donne envie de sauter malgré soi, et tantôt de pleurer comme si l’on s’était frotté les yeux avec une pelure d’oignon.