Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/25

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Une nuit, sans avoir précisément éprouvé une perte grave, le chevalier avait vu pâlir légèrement son étoile de bonheur. Sur ces entrefaites, un petit homme, vieux, sec, pauvrement vêtu, d’un aspect déplaisant, s’était approché de la table de jeu, et d’une main tremblante avait tiré une carte sur laquelle il mit une pièce d’or. Plusieurs des assistants parurent extrêmement surpris du fait, mais aucun ne dissimula son profond mépris pour le vieillard, qui ne témoigna son mécontentement par la moindre parole, ni par le moindre froncement de sourcils.

Il perdit. — Il renouvela sa mise et perdit encore ; mais plus il perdait, plus les autres joueurs se réjouissaient, et quand le vieillard, qui martingalait toujours, finit par mettre un enjeu de cinq cents louis qu’il perdit du coup, l’un des témoins s’écria en riant tout haut : « Bonne chance, signor Vertua ! hardi ! ne perdez pas courage : forcez toujours votre jeu ; j’imagine que vous finirez par faire sauter la banque avec un gain énorme ! »

Le vieillard lança à ce railleur un regard de basilic, puis il disparut en courant ; mais ce fut pour revenir au bout d’une demi heure, les poches pleines d’or. Et pourtant il se vit obligé d’assister à la dernière taille sans ponter, ayant perdu rapidement la somme entière qu’il avait apportée.

Le chevalier, qui, malgré l’égarement de sa conduite, tenait cependant à faire observer certaines bienséances dans ses salons, était irrité d’avoir vu traiter le vieillard avec tant de dédain et de mépris. En conséquence, à la fin de la séance et quand le