Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/26

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

vieillard fut parti, il retint, pour s’en expliquer sérieusement, le joueur qui l’avait interpellé et quelques autres qui s’étaient fait distinguer par leurs procédés méprisants à l’égard du vieillard.

« Oh ! s’écria l’un d’eux, vous ne connaissez pas le vieux Francesco Vertua, chevalier, autrement, loin de vous plaindre de nous et de notre conduite, vous la trouveriez fort sensée. Apprenez que ce Vertua, Napolitain de naissance, et depuis quinze ans à Paris, est le plus abject, le plus sordide avare et le plus détestable usurier de la terre. Tout sentiment d’humanité lui est étranger ; il verrait son propre frère se tordre à ses pieds dans les convulsions de l’agonie, et un seul écu suffirait pour le sauver, qu’on ferait de vains efforts pour l’obtenir de lui. Il vit sous le poids fatal des imprécations et de la malédiction de mille individus, de familles tout entières plongées dans la misère et le désespoir par ses spéculations sataniques. Il est haï profondément de quiconque le connaît, et c’est un vœu unanime qu’une main vengeresse le punisse de tant de méfaits, et mette un terme à cette vie souillée d’opprobres. — Il n’a jamais joué, du moins, depuis qu’il est à Paris, et vous ne devez plus vous étonner de notre saisissement en le voyant paraître à la table de jeu. Il est aussi bien naturel que nous nous soyons réjouis de sa perte, car n’aurait-il pas été odieux de voir un pareil scélérat favorisé par la fortune. Il n’est que trop positif, chevalier, que la richesse de votre banque a ébloui le vieux fou ; il méditait de vous plumer et il en a été la dupe. Cependant il