Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/254

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Je ne sais pas comment je rentrai dans la chambre de mon grand-oncle, ni comment je parvins à la salle du bal. Comme ce gascon qui redoutait la bataille, parce que, étant tout cœur, disait-il, chaque blessure devait lui être fatale, j’étais dans une situation d’âme où le moindre attouchement devient mortel ; mon sang circulait dans mes veines plus brûlant que la flamme, et je sentais encore les pulsations des doigts de Séraphine comme les douloureuses blessures de flèches empoisonnées.

Le lendemain, mon grand-oncle, sans m’avoir précisément interrogé, me fit voir qu’il était parfaitement instruit des détails de mon entrevue avec la baronne. Je ne fus pas peu déconcerté lorsqu’au ton de gaité et de plaisanterie qui régnait dans ses paroles, succéda tout-à-coup la plus sérieuse contenance, et qu’il me dit : « Je t’en prie, cousin, dompte la passion insensée qui te domine et t’absorbe. Sache que tes démarches, quelqu’innocentes qu’elles te paraissent, pourraient avoir les suites les plus épouvantables. Tu marches imprudemment sur une glace frêle et perfide, qui se brisera sous tes pas à l’improviste, et tu seras précipité dans l’abîme. Je me garderai bien de te retenir par le pan de ton habit ; car je sais que tu te sauveras tout seul, et que tu diras encore, malade à la mort : Ce n’est qu’un petit rhume, et il m’est venu en rêvant. — Mais une fièvre pernicieuse minera en toi les sources de la vie, et des années s’écouleront avant que tu reprennes courage. Que le diable emporte ta musique, situ ne sais pas mieux l’employer qu’à jeter le trouble et le désordre