Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/279

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

jolie arme ! » dit le baron ; et il replaça le fusil dans un coin.

Je reculai de quelques pas, mais le baron se rapprocha d’autant, et, me frappant sur l’épaule avec une certaine réserve, il me dit : « Je dois vous paraître agité et bouleversé, Théodore ! Je le suis en effet par suite des mille angoisses de cette nuit. L’attaque de nerfs de ma femme n’était absolument qu’un rien, et je le reconnais à présent ; mais ici, dans ce château, qui recèle je ne sais quel esprit de ténèbres, je vois toujours les choses au pire ; et d’ailleurs, c’est la première fois qu’elle s’est trouvée malade ici. — Et vous, vous seul en avez été la cause.

« Comment cela se pourrait-il, répondis-je tranquillement, car je ne le soupçonne nullement. — Oh ! continua le baron, si cette maudite caisse à musique de madame l’intendante eût pu se briser sur la glace en mille morceaux !… Oh ! si vous-même… Mais non, non ! il en devait être ainsi, cela était dans l’ordre, et c’est moi seul qui suis coupable. C’était à moi, le premier jour où vous allâtes toucher du piano chez ma femme, à vous faire part de l’état des choses, à vous instruire de la disposition d’esprit de Séraphine. »

Je fis le mouvement de prendre la parole, le baron m’interrompit brusquement : « Laissez-moi parler, je veux vous épargner d’avance tout jugement hasardé. Vous me prenez pour un homme rude et peu soucieux des beaux-arts. Vous vous trompez singulièrement. Mais des raisons qui s’appuient sur une intime conviction, m’obligent de proscrire autant