Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/28

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« La dame ! » dit le vieillard, et à la première main la dame perdit ! — Le vieillard chancela et alla s’appuyer contre la muraille, immobile, glacé comme une statue. Personne ne s’inquiéta de lui davantage. La séance terminée, les joueurs se retirèrent et le chevalier avec ses croupiers encaissait le gain de la soirée. Alors le vieux Vertua sortit de son coin, s’approcha du chevalier d’un pas mal affermi, pâle comme un spectre, et d’une voix creuse et étouffée : « Encore un mot, dit-il, chevalier ! un seul mot !

— Eh bien, qu’y a-t-il ? » répondit le chevalier en retirant la clef de sa cassette et toisant avec mépris le vieillard de la tête aux pieds.

Le vieillard continua : « J’ai perdu à votre banque toute ma fortune, chevalier ! rien, rien ne me reste : je ne sais pas où demain je reposerai ma tête, avec quoi j’apaiserai ma faim. Chevalier, c’est à vous que j’ai recours : prêtez-moi la dixième partie de la somme que vous m’avez gagnée, afin que je puisse recommencer les affaires, et que j’échappe à une honteuse misère.

— À quoi pensez-vous, signer Vertua ? répliqua le chevalier, ne savez-vous pas qu’un banquier ne doit jamais prêter de l’argent de son gain ! cela serait contraire à la vieille règle dont je ne me dépars jamais.

— Vous avez raison, chevalier, reprit Vertua, ma demande était exagérée, déraisonnable ! prêtez-moi la vingtième…, non, la centième partie ! — Je vous