Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/314

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autre appuyée sur sa hanche, pirouetta sur un pied, et s’écria d’une voix aiguë : « Bah ! la chose haïssable est engendrée de la haine ! » Puis il reprit avec un grand éclat de rire : « Le seigneur du majorat admire sans doute sa rare munificence à l’égard du pauvre mendiant ! » V. dut être bien convaincu qu’une réconciliation parfaite entre les deux frères était désormais impraticable.

Hubert s’installa donc, au grand déplaisir du baron, dans les chambres qu’on avait mises à sa disposition dans une des ailes du château, comme s’il eût dû y séjourner longtemps. On remarqua qu’il avait de longs et fréquents entretiens avec le vieil intendant, qui l’accompagnait même quelquefois à la chasse. Du reste, il vivait fort retiré, et évitait de se trouver seul avec son frère qui lui en savait beaucoup de gré. V. sentait tout ce que cette position réciproque devait avoir de pénible. Il fut obligé de s’avouer à lui-même que les procédés étranges et la mystérieuse conduite d’Hubert en toutes choses conspiraient à pervertir et à annuler tout plaisir ; et maintenant il se rendait compte de l’effroi manifesté par le baron au premier aspect de son frère.

Un matin, V. était assis seul dans la salle d’audience, occupé de son travail, lorsqu’il vit entrer Hubert, plus contenu et plus sérieux que de coutume, qui lui dit d’une voix presque langoureuse : « Je veux bien encore accepter les dernières propositions de mon frère. Faites en sorte, je vous prie, que les deux mille frédérics d’or me soient comptès aujourd’hui même : je voudrais partir cette nuit, seul, à