Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/76

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muraille sur tous les points : nul indice de porte, ni de fenêtre, ni d’une ouverture quelconque. C’est un solide mur en pierre, fermant une cour adossée à une maison habitée par des gens à l’abri du moindre soupçon. Ce matin encore, j’ai fait une inspection complète et inutile des localités. C’est le diable en personne qui nous mystifie ! »

L’aventure de Desgrais fut bientôt connue de tout Paris. Les têtes étaient encore pleines des sorcelleries, des conjurations, des pactes diaboliques attribuès à La Voisin et à ses complices, le prêtre Lesage et La Vigoureux. Et, comme il est essentiellement dans notre nature de sacrifier toujours la raison à un penchant inné pour le merveilleux et le surnaturel, bientôt chacun se persuada réellement que le diable, comme Desgrais l’avait dit dans l’excès de sa mauvaise humeur, protégeait en effet les assassins au prix de la cession de leur âme.

On imagine bien que l’histoire de Desgrais fut amplifiée et embellie de mille circonstances extravagantes. On imprima et l’on vendit à chaque coin de rue le récit de l’événement, précédé d’une vignette sur bois qui représentait une horrible figure du diable s’abîmant sous terre devant Desgrais épouvanté. Ce fut assez pour intimider les gens du peuple, et même pour paralyser complètement le courage des archers qui ne parcouraient plus les rues nuitamment qu’en tremblant, pourvus d’amulettes et trempés d’eau bénite.

Le ministre D’Argenson voyait avorter les rigueurs de la chambre ardente, et il sollicita du roi la création