Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/86

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Elle prit dans ses mains le collier et les bracelets, et s’approcha d’une fenêtre, où, tantôt elle faisait jouer les pierreries au soleil, tantôt examinait l’élégante monture d’aussi près que possible pour saisir la délicatesse du travail et l’art infini avec lequel les chainons d’or étaient enlacés et combinés entre eux.

Tout-à-coup, la marquise se retourna brusquement vers mademoiselle de Scudéry et s’écria :

« Savez-vous bien, mademoiselle ! que ces bracelets, que ce collier ne peuvent avoir été fabriqués par aucun autre que par Réné Cardillac ? » —

Réné Cardillac était à cette époque le meilleur orfèvre de Paris, l’un des hommes les plus habiles et en même temps des plus extraordinaires de son temps.— Plutôt petit que grand, mais avec de larges épaules et d’une complexion forte et musculeuse, Cardillac, fort près de la cinquantaine, avait encore la vigueur et l’agilité d’un jeune homme. Cette énergie vitale, qu’on pouvait trouver presque phénoménale, se manifestait chez lui par une chevelure rousse, épaisse et crépue, par un teint coloré et des traits accentués. Néanmoins, si Cardillac n’eût pas été connu dans tout Paris pour l’homme d’honneur le plus loyal, le plus désintéressé, plein de franchise et de conscience, toujours prét à rendre service, le regard tout particulier, que lançaient ses petits yeux verts profondément enfoncés et étincelants, aurait pu le faire soupçonner d’une méchanceté et d’une perfidie secrètes.

Comme nous venons de le dire, Cardillac était un