Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/87

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homme supérieur dans son art, non-seulement à ses confrères de Paris, mais peut-être même à tous ses contemporains. Profondément versé dans la connaissance des pierres précieuses, il savait les employer et les monter si ingénieusement, qu’une parure, qui avait passé d’abord pour médiocrement belle, paraissait, en sortant de ses mains, rnerveilleuse de charme et d’éclat. il accueillait toutes les commandes avec un avide empressement, et réclamait un prix si bas qu’il ne semblait jamais en rapport avec la perfection du travail. Dès-lors sa tâche ne lui laissait plus aucun repos. On l’entendait jour et nuit marteler, ciseler ; et souvent, tout d’un coup, quand l’ouvrage était prdsque achevé, si la forme ne lui plaisait pas, s’il doutait de la parfaite élégance de quelque ornement, du moindre accessoire, c’en était assez pour lui faire remettre sur-le-champ la pièce entiére dans le creuset, et recommencer tout le travail.

Aussi chacun de ses ouvrages devenait un chef-d’œuvre exquis et incomparable, qui causait l’étonnement de la personne qui l’avait commandé. Mais alors c’étaient d’incroyables difficultés pour entrer en possession de l’objet terminé. Celui à qui il appartenait se voyait renvoyé, sous mille prétextes différents, de semaine en semaine, de mois en mois. En vain offrait-on quelquefois à Cardillac le double du prix convenu, il refusait d’accepter un seul louis en sus du premier marché ; et s’il était forcé de céder à la fin aux pressantes sollicitations de l’acheteur et de livrer la parure, il ne pouvait alors dissimuler