Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/88

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

l’expression de son profond chagrin, ni même l’agitation d’une fureur secrète. — Dans le cas où il s’agissait d’une pièce vraiment rare, de joyaux d’importance, et d’un prix considérable, soit par la valeur des pierreries, soit par la recherche du travail d’orfèvrerie, on le voyait courir ça et là comme un insensé, frappant d’imprécations tout ce qu’il rencontrait, son art, ses ouvrages, et se maudissant lui-même.

Mais quelqu’un venait-il à s’écrier en courant après lui : « Réné Cardillac ! ne voudriez-vous pas faire un joli collier pour ma femme ? — une paire de bracelets pour ma fille ? etc. » Aussitôt il s’arrêtait tout court, regardait son interlocuteur avec ses petits yeux scintillants comme des éclairs, et lui demandait en se frottant les mains : « Voyons, qu’avez-vous ? » Alors celui-ci joyeux tire de sa poche une petite boite en disant : « Voilà mes matériaux : ce n’est pas grand’chose, de la marchandise un peu commune, cependant entre vos mains… » Cardillac, sans le laisser achever, saisit vivement la boite, en tire les pierreries qui sont en effet peu remarquables, les expose aux rayons de la lumière, et s’écrie avec enthousiasme : « Hoho ! — de la marchandise commune ? — nullement ! — de jolies pierres, — des pierres magnifiques ! Laissez-moi faire seulement, et, si vous ne tenez pas à une poignée de louis, je veux y adjoindre deux ou trois petites pierres qui éblouiront vos yeux de l’éclat du soleil même ! — Je laisse tout à vos soins, maître Réné, et je paierai ce que vous demanderez. » À ces