Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/89

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mots, sans faire la moindre distinction entre le riche bourgeois et le noble seigneur de la cour, Cardillac saute au cou de l’étranger avec transport, le presse et l’embrasse, en lui assurant que le voilà redevenu tout à fait heureux, et que dans huit jours l’ouvrage sera terminé.

Soudain il regagne son logis à toutes jambes, s’enferme dans son atelier, se met à l’ouvrage, et au bout de la semaine il a produit un nouveau chef-d’œuvre. Mais quand celui pour qui il a travaillé vient gaiment lui apporter le prix fixé par ses modestes prétentions, et veut emporter la parure terminée, Cardillac devient subitement chagrin, arrogant, colère. — « Mais, maître Cardillac, songez que je me marie demain. — Que m’importe votre mariage ? revenez dans quinze jours. — Voici votre argent, la parure est achevée : il faut me la donner. — Et je vous dis, moi, que j’ai encore maint changement à y faire, et que je ne la livrerai pas aujourd’hui. — Et moi, je vous dis que, si vous ne consentez volontiers à me laisser emporter mes bijoux, que je suis prêt d’ailleurs à vous payer le double de nos conventions, vous allez me voir revenir ici assisté des complaisants estafiers de d’Argenson. — Eh bien, donc ! que Satan vous torture au moyen de cent tenailles brûlantes, et qu’il allourdisse ce collier de trois quintaux pour étrangler voire fiancée !… » En parlant ainsi, Cardillac lui fourre brutalement les bijoux dans la poche de la veste, et le pousse hors de sa chambre, si violemment qu’il le fait trébucher et rouler tout le long de l’escalier ; puis il