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Page:Hoffmann - Contes fantastiques, trad. Christian, 1861.djvu/17

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renouvellent ; les imaginations s’exaltent peu à peu, on rivalise d’excentricité.

« Or çà, cher Théodore, s’écria tout à coup un des joyeux viveurs, la conversation va finir si tu ne nous gratifies d’une de ces histoires à faire dormir debout que tu contes si bien ; mais il nous faut quelque chose de bizarre et d’attendrissant, de fantastique et d’antinarcotique…

— Trinquons, dit Théodore ; j’ai votre affaire. Je veux, s’il vous plait, vous conter une anecdote assez originale de la vie du conseiller Krespel. Ce digne personnage, qui a existé en chair et en os, était en vérité l’homme le plus singulier que j’aie jamais rencontré. Lorsque je vins à l’université de H***, pour y suivre les de philosophie, toute la ville ne s’entretenait que du conseiller Krespel. Figurez-vous que ce personnage jouissait, dès cette époque, de la


plus grande réputation comme juriste et comme diplomate. Un petit prince d’Allemagne, dont la vanité débordait le domaine, l’avait fait venir à sa résidence pour lui confier la rédaction d’un mémoire destiné à justifier ses droits sur certain territoire voisin de sa principauté, territoire qu’il comptait réclamer devant la cour impériale. L’affaire réussit ; et, dans l’excès de sa joie,