Page:Hoffmann - Contes fantastiques, trad. Christian, 1861.djvu/9

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Au sortir des études universitaires, il n’avait qu’un ami, Hippel, qui resta son Pylade, son fidus Achates, jusqu’à la fin. Riche, il eût cultivé les arts avec un amour immense ; dénué qu’il était de tout patrimoine, on lui démontra que l’étude du droit pourrait seule lui donner du pain : il se fit légiste. Mais souvent il jetait les Pandectes et les Institutes pour prendre tour à tour ses pinceaux, son archet ou sa plume. Le fantastique creusait déjà des rides bizarres sur son front de jeune homme, mais l’ami Hippel était encore le seul confident de ses rêves aventureux, Ces deux êtres, étroitement unis, s’équilibraient l’un l’autre merveilleusement. Hoffmann préparait son essor ; Hippel le soutenait ; l’un avait la fougue, l’autre le calme. Quelquefois, à des jours fixes de la semaine, on admettait dans le secret de cette intimité quelques amis choisis, et l’on parlait poésie, art et amour, autour d’un pot de bière ou d’une bouteille de vin du Rhin. Voilà l’origine du club de Sérapion.

Cependant le temps passe ; Hippel, nommé des fonctions judiciaires, quitte Kœnigsberg. Hoffmann redevient seul et triste. Le hasard fait éclore une passion dans son cœur de vingt années ; mais la distance des positions sociales, du rang et de la fortune, doit rendre impossible tout espoir d’avenir. Hoffmann a le cœur brisé. Il fuit à son tour Kœnigsberg, qui n’a plus pour lui ni ami ni amour, et il vient continuer à Glogau ses études de droit. De là il se rend à Posen, investi d’une première fonction. Le monde alors change d’aspect à ses yeux. Il le voit de plus près, il est appelé à l’apprécier, à le juger sous toutes ses faces. Fortement excité par tout ce qui l’environne, il jette de côté sa mélancolie, taille ses crayons, et fait des caricatures à propos de toutes choses et de toutes gens, tant et si bien qu’un personnage en crédit, et plus maltraité que les antres, écrit à Berlin pour se plaindre, de telle sorte qu’il en resta des notes fatales à toute la carrière judiciaire qu’aurait dû parcourir le pauvre Hoffmann. Cependant les caricatures l’avaient mis en lumière, et sa vogue d’homme spirituel lui valut en peu de temps les embarras du ménage.

En 1804, nous voyons Hoffmann marié et conseiller à la régence de Varsovie. Une société nouvelle, élégante et choisie, s’ouvre devant lui. Les ressources de la grande ville développent son activité et donnent un cours plus large à ses études. Il se lie avec des hommes déjà renommés, tels que Voss et Zacharias Werner ; et le référendaire Hitzig lui devient aussi cher que le fut Hippel à Kœnigsberg.

Hoffmann sent dès lors se doubler en lui les ressorts de la vie et les forces de l’intelligence. Il compose de la musique, fait des tableaux et