Page:Hoffmann - Contes fantastiques I.djvu/347

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même une fraude très-subtile, d’autant plus condamnable, disaient-ils, qu’elle avait été ourdie contre la masse du public, et si perfidement combinée que personne ne s’était douté du fait, à l’exception de quelques étudiants très-sensés. Il est vrai qu’à présent c’était à qui feindrait d’avoir eu vent de la chose, et chacun citait à l’appui de ses prétentions mainte et mainte circonstance qui lui avait paru suspecte. Mais encore n’avançaient-ils rien de bien concluant.

Ainsi, par exemple, quel soupçon avait-on pu concevoir de ce qu’Olympie, s’il fallait en croire certain habitué des salons, avait, contrairement à tous les usages, plus souvent éternué que bâillé ? Le premier phénomène, disait notre élégant, résultait du mouvement caché des rouages qui, en se remontant d’eux-mêmes, produisaient, en effet, aux mêmes intervalles, un craquement sensible, etc., etc… Le professeur de poésie et d’éloquence prit une prise, referma sa tabatière, toussa avec affectation, et dit d’un air solennel : « Honorables messieurs et dames, ne voyez-vous pas où git le lièvre ? le tout est une allégorie, une métaphore amplifiée. — Vous me comprenez ? sapienti sat !… » Mais un grand nombre d’honorables messieurs ne se tint nullement pour satisfait de l’explication ; l’histoire de l’automate avait fait une profonde impression sur eux, et il s’établit, en effet, une secrète et affreuse méfiance contre les figures humaines. Pour acquérir la conviction certaine de ne pas s’être épris d’une poupée de bois, plus d’un amant exigea de sa maîtresse