Page:Hoffmann - Contes fantastiques I.djvu/36

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jeté dans une bande de brigands, et qu’il fallait attribuer à cette affiliation infâme, les figures sinistres et sauvages, les costumes fantastiques retracés par son pinceau, de même que ses paysages étaient de fidèles portraits des sombres et horribles déserts, des Selve Selvaggie du Dante, qui avaient dû lui servir de repaire. Mais le pire grief qu’on lui imputât, était d’avoir trempé dans l’affreuse conspiration ourdie à Naples par le fameux Mas’Aniello. On n’omettait aucune particularité à l’appui de l’accusation, et voici ce qu’on racontait à cet égard.1

Aniello Falconi était un peintre de batailles, l’un des meilleurs maîtres de Salvator, et que le meurtre d’un de ses parents, tué dans un tumulte par des soldats espagnols, enflamma de fureur et d’un désir effréné de vengeance. Il rassembla bientôt une bande de jeunes hommes résolus, peintres pour la plupart, leur fournit des armes et les nomma la Compagnie de la Mort. En effet, cette troupe justifia son nom terrible en répandant l’horreur et l’épouvante, parcourant Naples du matin au soir, et tuant sans pitié chaque Espagnol qu’elle rencontrait. Les malheureux mêmes qui cherchaient dans les asiles sacrés un refuge contre la mort, s’y voyaient poursuivis par leurs implacables adversaires et inhumainement égorgés. — La nuit, ces jeunes gens se réunissaient chez leur chef, le farouche et cruel Mas’Aniello, qu’ils peignaient à la lueur rougeâtre des flambeaux, de sorte qu’en peu de temps des centaines de ces portraits furent en circulation dans Naples et dans les environs.