Page:Hoffmann - Contes fantastiques I.djvu/377

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avez dit vous-même que vous n’aviez ni femme, ni enfants. Vous ne pouvez donc la connaître, cette jouissance qui vient inonder, pour ainsi dire, comme une pure émanation des joies célestes, le cœur de l’homme et de la femme à la naissance d’un fils. C’est la volupté la plus suave, c’est la béatitude divine elle-même dont les parents sont remplis en contemplant leur enfant, qui, muet et engourdi sur le sein de sa mère, est pour eux un si éloquent interprète de leur amour, et de leur bonheur le plus précieux. — Non, mon digne Monsieur, quelque grands que soient les bienfaits dont vous nous avez comblés, ils ne sauraient jamais entrer en compensation avec notre amour pour notre fils ; et le monde a-t-il aucun trésor équivalent à cette félicité ! Ne nous accusez donc pas d’ingratitude, mon cher Monsieur, parce que nous désapprouvons votre projet. Si vous étiez père vous-même, nous n’aurions pas besoin de recourir à la moindre excuse. — Là… là ! répliqua l’étranger, avec un coup-d’œil oblique et sombre, je croyais vous faire plaisir en contribuant à la fortune et au bonheur de votre fils ; mais cela ne vous convient pas, eh bien, qu’il n’en soit plus question. »

Giorgina couvrait son enfant de baisers et de caresses comme s’il lui était rendu, préservé d’un grand danger. Pour l’étranger, il s’efforçait évidemment de paraître aussi gai et aussi dispos qu’auparavant, mais on ne voyait que trop clairement combien le refus de ses hôtes de lui abandonner l’enfant, l’avait affecté. Au lieu de repartir le soir même,