Page:Hoffmann - Contes nocturnes, trad de La Bédollière, 1855.djvu/280

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LE VŒU
I

Le jour de la Saint-Michel, à l’heure où l’on sonnait l’Angelus au couvent des Carmes, une élégante berline de voyage, attelée de quatre chevaux de poste, roulait avec un brait de tonnerre à travers les rues de la petite ville de Lilinitz sur les frontières de la Pologne. Elle s’arrêta enfin devant la porte cochère de la maison du vieux bourgmestre allemand.

Les enfants du bourgmestre mirent le nez à la fenêtre par curiosité ; mais la maîtresse de la maison se leva de son siège, et jeta avec humeur sur la table son attirail de couturière.

— Maudite enseigne ! dit-elle à son vieux mari, qui sortait précipitamment de la chambre voisine ; voilà encore des étrangers qui prennent notre logis pour une auberge. Pourquoi as-tu fait redorer la colombe de pierre qui est au-dessus de la porte ?

Le vieillard sourit finement et d’un air entendu sans répondre un seul mot. En un moment il eut jeté bas sa robe de chambre et mis son habit de cérémonie, qui, brossé avec soin depuis qu’il l’avait endossé pour aller à l’église, était étendu sur le dossier d’une chaise. Avant que sa femme stupéfaite eut pu ouvrir la bouche pour l’interroger il se tenait déjà à la portière de la voiture, qu’avait ouverte un domestique. Le bourgmestre avait sous le bras son bonnet de velours, et sa tête d’une blancheur argentée reluisait dans l’obscurité du crépuscule.

Une dame âgée, en manteau gris de voyage, descendit de la voiture, suivie d’une femme plus jeune dont le visage était voilé ; celle-ci s’appuya sur le bras du bourgmestre, et se traîna plutôt qu’elle ne marcha jusqu’à la maison. À peine fut-elle entrée dans la chambre, qu’elle retomba à moitié évanouie sur un fauteuil qu’à un signe de son mari la maîtresse du logis s’était empressée de lui avancer.