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Page:Hoffmann - Contes nocturnes, trad de La Bédollière, 1855.djvu/288

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— Vengeance ! hurla Célestine d’ùne voix sourde, vengeance du ciel sur toi, meurtrier !

— Laisse-moi, laisse-moi, éloigne-toi, apparition sortie de l’enfer ! s’écria l’officier.

Et, par un mouvement convulsif, il repoussa du pied Célestine, et voulut gagner la porte. Le bourgmestre lui barra le passage ; mais l’officier tira rapidement un pistolet, et en dirigea le canon vers le vieillard.

— Une balle dans la tête de celui qui songera à enlever du père son enfant !

En disant ce mots, il descendit précipitamment l’escalier, s’élança sur son cheval sans abandonner l’enfant, et partit au grand galop.

L’hôtesse, le cœur serré, remonta pour soutenir et consoler Célestine, surmontant l’horreur que lui inspirait l’affreux masque de cadavre ; quel fut son étonnement en trouvant la pauvre mère au milieu de la chambre, immobile et muette comme une statue, et les bras pendants !

Ne pouvant supporter la vue du masque, la femme du bourgmestre remit à Célestine son voile, qui était tombé sur le parquet. Celle-ci ne prononça pas un mot, ne fit pas un mouvement. Elle était réduite à l’état d’automate. En la voyant ainsi, l’hôtesse sentit un redoublement de peine et d’anxiété, et pria Dieu avec ferveur de la délivrer de la funeste étrangère.

Sa prière fut exaucée sur-le-champ, car la voiture qui avait amené Célestine s’arrêta devant la porte de la maison. L’abbesse entra, accompagnée du prince Zapolski, le protecteur du vieux bourgmestre. Quand celui-ci apprit ce qui venait de se passer, il dit avec beaucoup de calme et de douceur :

— Nous arrivons trop tard, et il faut bien nous soumettre à la volonté de Dieu.

On descendit Célestine, qui se laissa emporter et placer dans la voiture sans bouger, sans parler, sans donner le moindre signe de volonté et de pensée. Il sembla au vieillard et à toute la famille qu’ils se réveillaient d’un mauvais rêve, source de vives inquiétudes.

Peu de temps après ce qui s’était passé chez le bourgmestre de Lilinitz, on enterra avec une solennité inaccoutumée une religieuse dans le couvent de l’ordre de Citeaux, à Oppeln. Le bruit courut que