Page:Hoffmann - Les Bijoux fatals ou Mademoiselle de Scudéri, Roman complet no 6, 1915.djvu/53

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eu de bandes semblables. C’était Cardillac seul, qui avec une vigilance abominable cherchait ses victimes dans toute la ville et les trouvait, et c’est parce qu’il était seul qu’il agissait impunément et rendait si difficile la découverte de l’assassin. Mais je ne suis pas au bout de mon récit et j’ai d’autres secrets à vous dévoiler. Ma position chez mon maître était devenue égale au plus cruel des supplices. Plus d’une fois je me dis que je n’aurais pas dû revenir chez lui, mais le premier pas fait, il m’était impossible de reculer, je ne pouvais m’empêcher de me considérer comme le complice de Cardillac. Un seul sentiment me tenait enchaîné à lui, c’était mon amour pour Madelon. Quand j’étais auprès d’elle, je ne parvenais qu’avec la plus grande peine à lui cacher mes angoisses et mon chagrin. Quand je travaillais dans l’atelier avec le vieillard, je n’osais lever les yeux sur lui.

Je n’osais lui adresser une parole tant j’avais horreur de vivre dans la société d’un homme que tout le monde disait le plus fervent des chrétiens, le plus affectueux des pères et le plus honnête des bourgeois, et qui profitait des ténèbres de la nuit pour se livrer à ses exécrables exploits.

Madelon, dans sa piété filiale, dans sa naïve confiance d’enfant, idolâtrait son père. Une pensée m’angoissait : si un jour l’hypocrite scélérat tombait entre les mains de la justice, quel ne serait point le désespoir de la malheureuse jeune fille quand elle saurait l’affreuse vérité ! Je connaissais depuis