Aller au contenu

Page:Hoffmann - Les Bijoux fatals ou Mademoiselle de Scudéri, Roman complet no 6, 1915.djvu/55

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Tel était le cri que je voulais pousser, mais ma gorge se serra et ma langue se paralysa. Je ne pus parvenir à proférer qu’un son inintelligible. Cardillac se rassit et essuya la sueur de son front. Pendant quelque temps il parut recueillir ses souvenirs. Enfin se remettant, il commença :


VIII.


— J’étais encore un tout petit enfant que déjà les diamants et l’or exerçaient sur moi une véritable fascination. D’abord on n’y prit pas garde, mais quand on s’en aperçut, on ne vit dans cet irrésistible attrait qu’un caprice puéril, mais ce penchant se manifesta dans des conditions plus graves lorsque je fus devenu grand. Je ne pouvais voir ni or ni pierreries sans m’en emparer, et ce que l’on ne me donnait point je le volais. Je devins bientôt le plus exercé des connaisseurs dans tout ce qui avait rapport à la joaillerie, il eut été impossible de me faire prendre les bijoux faux pour vrais, et c’étaient ces derniers seuls qui me tentaient. J’aimais l’or pour l’or et non pour sa valeur et je n’en faisais aucun cas lorsqu’il était monnayé. Cependant mon père finit par s’alarmer de ce défaut et mit tout en œuvre pour me corriger, n’épargnant ni reproches ni menaces, ni châtiments corporels. Rien n’y fit, et pour pouvoir manier sans cesse l’or et les pierres précieuses, je devins bijou-