Aller au contenu

Page:Hoffmann - Les Bijoux fatals ou Mademoiselle de Scudéri, Roman complet no 6, 1915.djvu/58

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

sonna à mon oreille ; le même soir, je m’installai dans la maison. Baigné d’une sueur de sang, je m’agitai sur ma couche, ne pouvant trouver le sommeil. Le spectre me fait voir dans un cauchemar l’acheteur de ma parure se rendant chez celle à qui elle est destinée. Je ne me possède plus, je me lève. Je m’enveloppe dans un manteau, je descends l’escalier dérobé, je pousse le mur qui s’ouvre et j’arrive dans la rue Saint-Nicaise. L’homme vient vers moi, je bondis vers lui ; il pousse un cri, je le renverse et lui plante mon poignard dans le cœur. Je reprends ma parure… Alors je ressens une satisfaction intérieure qui met fin à mes angoisses : le spectre n’est plus là, la voix de Satan a cessé de se faire entendre, je vais désormais où me pousse ma mauvaise étoile ; il faut lui céder ou mourir.

Et maintenant, tu comprends, tu connais les mobiles de toute ma conduite, Olivier. Ne crois pas, cependant, que je sois dépourvu de toute pitié ; tu sais combien j’hésite à livrer une parure, avec quelle obstination je refuse de travailler pour ceux dont je ne veux pas la mort, et comment il m’arrive souvent d’arracher les bijoux dans mon atelier aux mains de ceux qui me les ont commandés, parce que je sais d’avance que le spectre ne me laisserait pas de repos si je ne répandais leur sang. Ma brutalité même leur évite la mort.