Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 1.djvu/11

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que ſont dues ces haines invétérées, ces perſécutions barbares, ces maſſacres continuels, ces tragédies révoltantes dont, ſous prétexte des intérêts du ciel, la terre eſt tant de fois devenue le théatre. Enfin c’eſt aux erreurs conſacrées par la Religion que ſont dus l’ignorance & l’incertitude où l’homme eſt de ſes devoirs les plus évidens, de ſes droits les plus clairs, des vérités les plus démontrées : il n’eſt preſqu’en tout climat qu’un captif dégradé, dépourvu de grandeur d’ame, de raiſon, de vertu, à qui des Geoliers inhumains ne permettent jamais de voir le jour.

Tàchons donc d’écarter les nuages qui empêchent l’homme de marcher d’un pas ſûr dans le ſentier de la vie ; inſpirons lui du courage & du reſpect pour ſa raiſon ; qu’il apprenne à connoître ſon eſſence & ſes droits légitimes ; qu’il conſulte l’expérience, & non une imagination égarée par l’autorité ; qu’il renonce aux préjugés de ſon enfance ; qu’il fonde ſa morale ſur ſa nature, ſur ſes beſoins, ſur les avantages réels que la ſociété lui procure ; qu’il oſe s’aimer lui-même ; qu’il travaille à ſon propre bonheur en faiſant celui des autres ; en un mot qu’il ſoit raiſonnable & vertueux, pour être heureux ici bas, & qu’il ne s’occupe plus de rêveries ou dangereuſes ou inutiles. S’il lui faut des chimeres, qu’il permette au moins à d’autres de ſe peindre les leurs différemment des ſiennes ; qu’il ſe perſuade enfin qu’il eſt très important aux habitans de ce monde d’être juſtes, bienfaiſans, pacifiques, & que rien n’eſt plus indifférent que leur façon de penſer ſur des objets inacceſſibles à la raiſon.

Ainsi le but de cet ouvrage eſt de ramener l’homme à la Nature, de lui rendre la raiſon