Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 1.djvu/138

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

jugé, la médecine fourniroit à la morale la clef du cœur humain, & en guérissant le corps elle seroit quelquefois assurée de guérir l’esprit. En faisant de notre ame une substance spirituelle on se contente de lui administrer des remedes spirituels qui n’influent point sur le tempérament ou qui ne font que lui nuire. Le dogme de la spiritualité de l’ame a fait de la morale une science conjecturale, qui ne nous fait nullement connoître les vrais mobiles que l’on doit employer pour agir sur les hommes. Aidés de l’expérience, si nous connoissions les élémens qui font la base du tempérament d’un homme ou du plus grand nombre des individus dont un peuple est composé, nous sçaurions ce qui leur convient, les loix qui leur sont nécessaires, les institutions qui leur sont utiles. En un mot la morale & la politique pourroient retirer du matérialisme des avantages que le dogme de la spiritualité ne leur fournira jamais, & auxquels il les empêche même de songer. L’homme sera toujours un mystere pour ceux qui s’obstineront à le voir avec les yeux prévenus de la théologie, ou qui attribueront ses actions à un principe dont jamais ils ne peuvent avoir d’idées. Lorsque nous voudrons connoître l’homme, tâchons donc de découvrir les matieres qui entrent dans sa combinaison & qui constituent son tempérament ; ces découvertes serviront à nous faire deviner la nature & la qualité de ses passions & de ses penchans, & pressentir sa conduite dans des occasions données, elles nous indiqueront les remedes que nous pourrons employer avec succès pour corriger les défauts d’une organisation vicieuse ou d’un tempérament aussi nuisible à la société qu’à celui qui le possede.