Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 1.djvu/159

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parés les uns des autres & détachés de la société qui ne leur procuroit aucuns biens. Par une suite de l’imprudence de ces nations ou de la ruse & de la violence de ceux à qui elles avoient confié le pouvoir de faire des loix & de les mettre en exécution, les souverains se sont rendus les maîtres absolus des sociétés. Ceux-ci, méconnoissant la vraie source de leur pouvoir, prétendirent le tenir du ciel, n’être comptables qu’à lui de leurs actions, ne devoir rien à la société, en un mot être des dieux sur la terre & la gouverner arbitrairement comme les dieux de l’empyrée. Dès-lors la politique se corrompit & ne fut qu’un brigandage. Les nations furent avilies & n’osèrent résister aux volontés de leurs chefs ; les loix ne furent que l’expression de leurs caprices ; l’intérêt public fut sacrifié à leurs intérêts particuliers ; la force de la société fut tournée contre elle-même ; ses membres la quittèrent pour s’attacher à ses oppresseurs, qui, pour les séduire, leur permirent de lui nuire & de profiter de ses malheurs. Ainsi la liberté, la justice, la sûreté, la vertu furent bannies des nations ; la politique ne fut que l’art de se servir de leurs forces & de leurs trésors pour les subjuguer elles-mêmes, & de diviser les sujets d’intérêts pour en venir à bout ; enfin une habitude stupide & machinale leur fit chérir leurs chaînes.

Tout homme qui n’a rien à craindre devient bientôt méchant : celui qui croit n’avoir besoin de personne se persuade qu’il peut sans ménagement suivre tous les penchans de son cœur. La crainte est donc le seul obstacle que la société puisse opposer aux passions de ses chefs, qui, sans cela, se corrompront eux-mêmes ; & ne tarderont