Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 1.djvu/180

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En effet ce n’est jamais que par nos sens que les êtres nous sont connus ou produisent des idées en nous ; ce n’est qu’en conséquence des mouvemens imprimés à notre corps que notre cerveau se modifie ou que notre ame pense, veut & agit. Si, comme Aristote l’a dit il y a plus de deux-mille ans, rien n’entre dans notre esprit que par la voie des sens, tout ce qui sort de notre esprit doit trouver[1] quelque objet sensible auquel il puisse rattacher ses idées, soit immédiatement, comme homme, arbre, oiseau, etc. ; soit en dernière analyse ou décomposition comme plaisir, bonheur, vice & vertu, etc. Or toutes les fois qu’un mot ou son idée ne fournit aucun objet sensible auquel on puisse le rapporter, ce mot ou cette idée sont venus de rien, sont vuides de sens ; il faudroit bannir l’idée de son esprit & le mot de la langue, puisqu’il ne signifieroit rien. Ce principe n’est que l’inverse de l’axiome d’Aristote ; la directe est évidente, il faut donc que l’inverse le soit pareillement.

Comment le profond Locke qui, au grand regret des théologiens, a mis le principe d’Aristote dans tout son jour ; & comment tous ceux qui, comme lui, ont reconnu l’absurdité du systême des idées innées, n’en ont-ils point tiré les conséquences immédiates & nécessaires ? Comment n’ont-ils pas eu le courage d’appliquer ce principe

  1. Ce principe si vrai, si lumineux, si important par les conséquences qui en découlent nécessairement, a été développé & mis dans tout son jour par l’anonyme qui a fourni à l’Encyclopédie les articles incompréhensible, & Locke (philosophie de) on ne peut rien lire de plus sensé, de plus philosophique & de plus propre à étendre la sphere des idées & du vrai que ce savant anonyme dit à ce sujet dans les deux articles que je viens d’indiquer, & auxquels je renvoie le lecteur pour ne point trop multiplier les citations. Note de l’Editeur.