Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 1.djvu/200

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quelques soient leurs opinions sur des êtres impossibles à connoître ou à voir des mêmes yeux. Tout devroit convaincre de la tyrannique déraison, de l’injuste violence, & de l’inutile cruauté de ces hommes de sang, qui persécutent leurs semblables pour les forcer de plier sous leurs opinions ; tout devroit ramener les mortels à la douceur, à l’indulgence, à la tolérance ; vertus, sans doute, plus évidemment nécessaires à la société, que les spéculations merveilleuses qui la divisent & la portent souvent à égorger les prétendus ennemis de ses opinions révérées.

L’on voit donc de quelle importance il est pour la morale d’examiner les idées auxquelles on est convenu d’attacher tant de valeur, & auxquelles, sur les ordres fantasques & cruels de leurs guides, les mortels sacrifient continuellement & leur propre bonheur & la tranquillité des nations. Que l’homme rendu à l’expérience, à la nature, à la raison ne s’occupe donc plus que d’objets réels & utiles à sa félicité. Qu’il étudie la nature, qu’il s’étudie lui-même ; qu’il apprenne à connoître les liens qui l’unissent à ses pareils, qu’il brise ses liens fictifs qui l’enchaînent à des phantômes. Si toutefois son imagination a besoin de se repaître d’illusions, s’il tient à ses opinions, si ces préjugés lui sont chers, qu’il permette du moins à d’autres d’errer à leur maniere ou de chercher la vérité, & qu’il se souvienne toujours que toutes les opinions, les idées, les systêmes, les volontés & les actions des hommes sont des suites nécessaires de leur tempérament, de leur nature & des causes qui les modifient constamment ou passagérement, vérité que nous allons prouver encore dans le chapitre suivant l’homme n’est pas plus libre de penser que d’agir.