Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 1.djvu/224

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voudroit toujours aller de ce côté, mais il sentiroit très bien qu’il n’y va pas librement. Si nous avions un sens de plus, comme nos actions ou nos mouvemens, augmentés d’un sixieme, seroient encore plus variés & plus compliqués, nous nous croirions plus libres encore que nous ne faisons avec cinq sens.

C’est donc faute de remonter aux causes qui nous remuent ; c’est faute de pouvoir analyser & décomposer les mouvemens compliqués qui se passent en nous-mêmes, que nous nous croyons libres ; ce n’est que sur notre ignorance que se fonde ce sentiment si profond, & pourtant illusoire que nous avons de notre liberté, & que l’on nous allégue comme une preuve frappante de cette prétendue liberté. Pour peu que chaque homme veuille examiner ses propres actions, en chercher les vrais motifs, en découvrir l’enchaînement, il demeurera convaincu que ce sentiment qu’il a de sa propre liberté est une chimere que l’expérience doit bientôt détruire.

Cependant il faut avouer que la multiplicité & la diversité des causes qui agissent sur nous souvent à notre insçu, font qu’il nous est impossible, ou du moins très difficile, de remonter aux vrais principes de nos actions propres & encore moins des actions des autres : elles dépendent souvent de causes si fugitives, si éloignées de leurs effets, qui paroissent avoir si peu d’analogie & de rapports avec eux qu’il faut une sagacité singulière pour pouvoir les découvrir. Voilà ce qui rend l’étude de l’homme moral si difficile ; voilà pourquoi son cœur est un abyme dont nous ne pouvons souvent sonder les profondeurs. Nous sommes donc obli-