Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 1.djvu/275

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conformes à leurs vœux. Cependant ne regardons point comme une chose surnaturelle le desir d’exister, qui fut & sera toujours de l’essence de l’homme ; ne soyons pas surpris s’il reçut avec empressement une hypothèse qui le flattoit en lui promettant que son desir seroit un jour satisfait ; mais gardons-nous de conclure que ce desir soit une preuve indubitable de la réalité de cette vie future, dont les hommes pour leur bonheur présent ne sont que trop occupés. La passion pour l’existence n’est en nous qu’une suite naturelle de la tendance d’un être sensible, dont l’essence est de vouloir se conserver. Ce desir suit dans les hommes l’énergie de leurs ames ou la force de leur imagination toujours prête à réaliser ce qu’ils desirent très fort. Nous desirons la vie du corps, & cependant ce desir est frustré ; pourquoi le desir de la vie de notre ame ne seroit-il pas frustré comme le premier [1] ?

Les réflexions les plus simples sur la nature de notre ame devroient nous convaincre que l’idée de son immortalité n’est qu’une illusion. Qu’est-ce en effet que notre ame, sinon le principe de la sensibilité ? Qu’est-ce que penser, jouir, souffrir, sinon sentir ? Qu’est-ce que la vie, sinon l’assemblage de ces modifications ou mouvemens, propres à l’être organisé ? Ainsi dès que le corps cesse de vivre, la sensibilité ne peut plus s’exercer ; il ne peut donc plus y avoir d’idées, ni par conséquent de pensées. Les idées, comme on l’a prouvé, ne peuvent nous venir que par les sens ; or

  1. Voici comment raisonnent les partisans du dogme de l’immortalité de l’ame. Tous les hommes desirent de vivre toujours, donc ils vivront toujours. Ne pourroit pas leur rétorquer l’argument en disant tous les hommes désirent naturellement d’être riche, donc tous les hommes seront riches un jour.