Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 1.djvu/284

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

allumé sa fureur. Ce tyran implacable se vengera de leurs infirmités, de leurs délits momentanés, des penchans qu’il a donnés à leur cœur, des erreurs de leur esprit, des opinions, des idées, des passions qu’ils auront reçues dans les sociétés où il les a fait naître ; il ne leur pardonnera surtout jamais d’avoir pu méconnoître un être inconcevable, d’avoir pu se tromper sur son compte, d’avoir osé penser par eux-mêmes, d’avoir refusé d’écouter des guides enthousiastes ou trompeurs, & d’avoir eu le front de consulter la raison, qu’il leur avoit pourtant donnée pour régler leur conduite dans le chemin de la vie.

Tels sont les objets affligeans dont la religion occupe ses malheureux & crédules sectateurs. Telles sont les craintes que les tyrans de la pensée des hommes nous montrent comme salutaires : malgré le peu d’effet qu’elles produisent sur la conduite de la plûpart de ceux qui s’en disent, ou s’en croient persuadés, on voudroit faire passer ces notions pour la digue la plus forte que l’on puisse opposer aux déréglemens des hommes. Cependant, comme nous le ferons voir bientôt, ces systêmes, ou plutôt ces chimeres si terribles ne font rien sur le grand nombre, qui n’y songe que rarement, & jamais au moment que la passion, l’intérêt, le plaisir ou l’exemple l’entraînent. Si ces craintes agissent, c’est toujours sur ceux qui n’en auroient aucun besoin pour s’abstenir du mal ou pour faire le bien. Elles font trembler des cœurs honnêtes, & ne font rien aux pervers : elles tourmentent des ames tendres, & laissent en repos les ames endurcies : elles infestent un esprit docile & doux, elles ne causent aucun trouble à des esprits rébelles : ainsi elles n’alarment que ceux