Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 1.djvu/291

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brasés, se roûlant perpétuellement dans des tourbillons de flammes, plongées dans des mers de soufre & de bitume, & faisant retentir leurs voûtes infernales de leurs gémissemens inutiles & de leurs grincemens.

Mais, dira-t-on peut-être, comment les hommes purent-ils se déterminer à croire une existence accompagnée de tourmens éternels, sur-tout y en ayant plusieurs d’entre eux qui, d’après leurs systêmes religieux, eurent lieu de les craindre pour eux-mêmes ? Plusieurs causes ont pu concourir à leur faire adopter une opinion si révoltante. En premier lieu très peu d’hommes sensés ont pu croire une telle absurdité quand ils ont daigné faire usage de leur raison, ou bien s’ils y ont cru, l’atrocité de cette notion fut toujours contrebalancée par l’idée de la miséricorde & de la bonté qu’ils attribuèrent à leur Dieu[1]. En second lieu les peuples aveuglés par la crainte ne se rendirent jamais compte des dogmes les plus étranges qu’ils reçurent de leurs législateurs, ou qui leur furent transmis par leurs pères. En troisième lieu chaque homme ne vit jamais l’objet de ses terreurs que dans un lointain favorable, & la superstition lui promit d’ailleurs des moyens d’échapper aux supplices qu’il crut avoir mérités. Enfin, semblable à ces malades que nous voyons attachés à

  1. Si, comme les Chrétiens le prétendent, les tourmens à venir doivent être infinis pour la durée pour l’intensité je suis forcé d’en conclure que l’homme, qui est un être fini, ne peut souffrir infiniment ; Dieu lui-même ne peut lui communiquer l’infinjté, malgré les efforts qu’il feroit pour le punir éternellement de ses fautes, qui elles-mêmes n’ont que des effets finis ou limités par le tems. Le même ; raisonnement peut s’appliquer aux joies du Paradis, où un être fini ne comprendra pas plus un Dieu infini qu’il ne fait en ce monde. D’un autre côté, si comme le christianisme renseigne, Dieu perpétue l’existence des damnés ; il perpétue l’existence du péché : ce qui ne s’accorde pas avec l’amour de l’ordre qu’on lui suppose.